vendredi 24 avril 2009

Secte ou religion, Dieu ou farce ?

A Dakar, de nouveaux lieux de "cultes" poussent comme des champignons. Eglise de ceci, Royaume de cela, Ministère d'untel… Le phénomène arrive dans un contexte de crise et nombreux sont ceux qui se rendent dans ces "églises". Pour avoir une petite idée de ce qui s’y passe, j'ai visité l’une d’entre-elles

L’ancien cinéma Al Akbar se situe au rond point du Jet d’eau, à Niary Tally, dans la périphérie de Dakar. Il n’est pas très difficile de reconnaître le lieu grâce à la grande banderole sur laquelle est écrit : "Royaume de Dieu". C’est dans ces locaux qu’un groupe de personnes tient des séances de prières qui apparemment intéressent de plus en plus les sénégalais. La salle est très grande et est équipée avec des chaises beiges. Au devant, un mur blanc porte l’inscription « Jésus Christ est le Seigneur ». J’y suis allée un mardi où le groupe disait faire des séances de prières pour la guérison. La salle était à moitié pleine à mon arrivée à 18h15 et la séance devait commencer à 19h. Mon premier constat a été que la majorité des personnes présentes était des femmes et des jeunes filles d’à peine 20 à 25 ans. Une femme trouvée dans la salle, habillée en grand boubou bleu avec un voile rouge sur les épaules, est une habituée de lieux. Selon elle, la majorité des gens qui viennent aux séances sont musulmans : « Je suis musulmane, mais je viens ici souvent pour que l’on prie pour moi. Il y a des jours spéciaux pour les prières. Aujourd’hui, c’est pour la guérison ».Les gens qui assistent régulièrement à ces séances affirment que des miracles se produisent et que les animateurs ont le pouvoir de guérir toutes les maladies, qu’elles soient mystiques ou autres. Un homme, la soixantaine, les cheveux gris, est convaincu que beaucoup de gens ont trouvé la solution à leurs problèmes. « Tout à l’heure, vous allez voir des gens aller devant pour témoigner qu’ils ont été guéris. Certains tombent même en transe », me dit-il. Les séances semblent être bien organisées, il y a des groupes composés d’hommes et de femmes en uniformes (pantalon bleu marine et chemise blanche) qui s’occupent de la mise en place. Je constate qu’ils semblent bien reconnaître les personnes abonnées aux séances puisqu’ils m’ont immédiatement identifiée comme nouvelle venue. C’est ainsi qu’un homme s’approche de moi et, me souhaite la bienvenue : « Je suis membre, mais tout à l’heure l’évêque viendra et vous pourrez lui parler et lui soumettre votre problème. Il va prier pour vous. J’étais musulman mais, en venant ici, j’ai trouvé la solution à mes problèmes. Ici, on ne force personne, on parle au nom de Dieu et si tu crois, tes problèmes seront résolus ». Selon lui, ils accueillent plusieurs personnes venant d’autres religions « en particulier des musulmans et des chrétiens ».A 19h pile, l’évêque en question fait son apparition. C’est un homme de taille moyenne, de teint noir, habillé en pantalon blanc et pull à rayures noires et blanches. A première vue, on sent qu’il n’est pas de nationalité sénégalaise. Il s’assied à une table faisant face à deux chaises. Les gens se lèvent et vont vers lui. Après une discussion, il pose les mains sur la tête de la personne et invoque. Puis, c’est un autre groupe qui arrive. Ils sont habillés en blanc, ce sont les pasteurs. L’évêque se place au milieu. A l’entrée des pasteurs, l’assemblée s’est levée et en même temps, une musique était diffusée. Le groupe de pasteurs s’agenouille dos à l’assistance jusqu’au moment où l’évêque prend la parole et entame un chant. Puis commencent les témoignages de personnes qui étaient présentes la semaine précédente et qui, selon eux avaient vu leurs maladies êtres guéries. Une jeune fille dira : « J’avais des règles douloureuses. J’avais toujours mal au ventre et je rêvais de mon "farou rap" [Ndlr : un amant invisible, selon une croyance populaire]. Mais depuis mardi, je n’ai plus mal et je ne rêve plus ».Après cela, l’évêque fit un discours en français qu’une autre personne traduisait en wolof (langue la plus parlée au Sénégal). L’évêque demanda à l’assemblée de dire ses tracas. Les gens se mirent à parler à haute voix, créant ainsi un brouhaha indéfinissable. Les uns et les autres se dirigèrent vers l’autel pour recevoir une huile qui, réellement, m’a semblée être de l’huile d’olive. Cette huile étant censée guérir tous les maux pour autant qu’on la frotte là où on a mal. Après cela, les pasteurs se mirent en ligne et les gens vinrent en file pour que l’on exorcise leur mal. Les pasteurs apposaient leurs mains et faisaient des gestes comme s’ils tiraient quelque chose pour la sortir des gens.Si une partie de la population voit en ces pratiques de véritables miracles, d’autres par contre y voient une farce et une façon de leurrer les gens. Madame D. est catholique : «Ce sont des sectes qui veulent détourner les gens du bon chemin car cela n’est pas l’œuvre de Dieu », confie t’elle. Une personne anonyme, rencontrée après ma visite au "Royaume de Dieu" m’affirmera d’une voix forte : « Ce n’est pas une religion, mais c’est Satan et malheureusement les sénégalais croient tout ce qu’on leur dit. La vie est devenue tellement chère que les gens cherchent partout les moyens pour s’en sortir et il est facile de les berner. Les gens sont fatigués. Alors, quand quelqu’un se présente et vous dit qu’il a la solution à vos problèmes, vous le suivez même si c’est faux ».Ces lieux se sont multipliés comme de petits pains au Sénégal et force est de constater que cela arrive au moment où les populations subissent les affres de la crise et ne savent plus à quel saint se vouer. Et, ces religions, sectes ou simples charlatans attirent la curiosité de beaucoup de gens, toutes confessions confondues.

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